Avis sur deux décrets : neutralité carbone et vols nationaux

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Nous avons rédigé, dans le cadre des travaux de l’APCC, deux avis sur deux décrets en consultation en ce début d’année 2022, l’un relatif à la compensation carbone et aux allégations de neutralité carbone dans la publicité et l’autre relatif à la compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols effectués à l’intérieur du territoire national.

 

Art. D. 229-105 : La notion de « neutralité carbone » d’une organisation, d’un produit ou d’un service, n’est pas admise. La « neutralité Carbone » ne peut être atteinte qu’à l’échelle d’un État ou de la Planète (avis de l’ADEME de mars 2021). Les acteurs économiques peuvent seulement « contribuer à la neutralité Carbone » d’un Etat. Nous souhaitons que ce décret n’autorise pas l’utilisation des termes « neutralité carbone » sans la notion de « contribution ».

Art. D. 229-106 : L’obligation de produire et de publier un bilan synthétique annuel détaillant les actions réalisées pour éviter, réduire et compenser les émissions de GES d’un produit est une aide précieuse pour informer les consommateurs sur l’impact Carbone de leurs achats. Nous saluons cette proposition d’un affichage des émissions de GES d’un produit ou service, en espérant que cette pratique soit généralisée à tous les biens et services en France.

Art. D. 229-107 : Nous proposons que le bilan des émissions de GES de l’activité globale de l’entreprise soit intégré au rapport de synthèse décrivant l’empreinte carbone du produit ou service dont il est fait la publicité, et pas uniquement le bilan des émissions de GES de ce produit ou service.

Art. D. 229-107 / 1 : Dans le cas où une entreprise ne peut pas calculer le bilan des émissions de GES d’un produit ou service de sa chaîne de valeur (ou supply chain), comment peut-elle justifier de sa neutralité Carbone en n’ayant pas connaissance de l’ensemble des émissions de GES ? Nous proposons que le décret impose aux annonceurs de lister l’ensemble des postes émissions de GES de son produit ou service et de justifier, le cas échéant, pourquoi elle n’a pas pu calculer certains postes. Si ces postes d’émissions sont estimés à plus de 10 % des émissions de GES du produit ou du service, alors l’annonceur ne pourra pas communiquer sur sa neutralité climatique (ou toute formulation de signification ou de portée équivalente). Cette pratique est appliquée dans le label “Bas Carbone” pour calculer un projet.

Art. D. 229-107 / 2 : Les trajectoires de décarbonation à suivre doivent être compatibles avec un réchauffement bien en-dessous de 2°C, voire de 1,5°C (SBTi Science-based Targets Initiative par exemple). Une démarche ACT Pas à Pas (telle que la propose l’ADEME) est un minimum pour valider la pertinence de la trajectoire proposée

Art. D. 229-107 / 3 : Nous proposons que le décret définisse la nature des projets de compensation reconnue dans cette annexe, en privilégiant les projets Carbone sur le sol national, en lien notamment avec le label “Bas Carbone”.

 

Nous regrettons l’absence d’un préambule et d’un article obligeant les exploitants d’aéronefs à s’engager dans une trajectoire de décarbonation de leurs activités et de communiquer sur cette trajectoire. La compensation Carbone ne doit s’effectuer qu’en dernier recours après les actions de réduction des émissions.

Art. R. 229-102-1 : Nous proposons de rajouter un « caractère national » aux projets de compensation Carbone, en adéquation avec la cible de ce décret, les vols effectués à l’intérieur du territoire national. Là où un impact est créé, il est nécessaire d’agir à proximité. Le décret devrait fixer un minimum de 50 % des émissions de GES qui devraient être compensées sur le sol français, pour aider notre territoire à financer sa transition énergétique et écologique.

Art. R. 229-102-3 : Nous souhaitons que l’ensemble des exploitants d’aéronefs soit concerné par ce décret. Concernant le minimum, nous aimerions des précisions sur la nature des tonnes : 1 000 tonnes de CO2 ou 1 000 tonnes équivalent CO2.

Art. R. 229-102-5 : L’autorisation de recourir aux unités de réduction du programme CORSIA permet aux exploitants d’aéronefs de compenser leurs émissions de GES à l’international (American Carbon Registry, le Gold Standard et le Verified Carbon Standard Program). Cela ne va pas dans le sens de l’Art. R. 229-102-7 qui souhaite privilégier les projets dans l’Union Européenne. C’est une opportunité pour les exploitants d’aéronefs d’acheter du Carbone à bas prix, sans recourir par exemple au label « Bas Carbone ».

Art. R. 229-102-9 : Nous proposons d’ajouter une obligation de publication des bilans des émissions de GES des exploitants d’aéronefs tous les ans, sur son site de communication au public. De plus, nous proposons que les exploitants d’aéronefs de moins de 1 000 tonnes (équivalent CO2 ou CO2) aient une obligation de réaliser et de publier tous les ans leurs bilans des émissions de GES.

Art. R. 229-102-11 : Ce décret devrait proposer une méthode de calcul commune à l’ensemble des exploitants d’aéronefs, afin d’homogénéiser les pratiques. Certaines méthodes sont bénéfiques pour les exploitants, avec un risque réel de sous-estimation des émissions de GES.